entrée en matière

"Bonjour, Edouard W. des Ressources Humaines"

Ce que j'aime avec cette entrée en matière, c'est qu'elle a le don de refroidir quelque peu l'atmosphère : le sourire de mon interlocuteur se fige, les discussions autour de moi se tassent et j'ai légère mais nette impression d'être perçu comme un membre de la Stasi en train de prendre des notes. Moi, la méfiance qu'inspire ma fonction ne me dérange pas (au contraire !). Et puis, vous savez, en tant que RH, on en voit de toutes les couleurs, il y a de quoi rigoler tous les jours (ou bien pleurer parfois). Ce blog est une manière pour moi de partager toutes ces anecdotes et mes réflexions sur l'une des fonctions les plus dénigrées du monde de l'entreprise.

samedi 27 octobre 2012

Breve de RH 10 - Ayé !


Comme tout recruteur qui se respecte, j'ai pour habitude d'envoyer une réponse négative à tous les candidats qui ont postulé sur une de mes offres et dont le CV n'a pas été retenu. C'est bien évidemment un e-mail standart, un peu impersonnel mais il a le mérite d'exister (ce qui n'est pas toujours le cas).
 
Il n'est pas rare que les candidats y répondent, et, là aussi, je reçois un peu de tout. Cette fois-ci, j'ai été un peu supris, l'e-mail était bref et allait droit au but :
 
"Merci mais ç'ayé, j'ai trouvé."
 
Au moins, ca m'a conforté dans mon choix...

dimanche 21 octobre 2012

Do you speak l'anglois ?

Bon, je ne suis sûrement pas le premier à me plaindre de l'utilisation à outrance de termes anglo-saxons dans le milieu professionnel (mais comme je ne serais pas le dernier non plus, je ne vais pas me gêner). Il faut savoir qu'habituellement, je ne suis pas réfractaire aux anglicismes, j'en utilise même un sacré paquet.

Bon nombre d'entre eux sont même indispensables à mes yeux puisqu'ils traduisent rapidement et efficacement une idée, un concept qui tiendrait difficilement sur une seule phrase en langue française. Vous désirez des exemples concrets ? Parlons Brainstorming (réunion durant laquelle chacun exprimera ses idées sur un sujet sans aucune limite), Googleliser (aller faire des recherches sur internet), Smartphone (téléphone portable disposant des mêmes fonctionnalités qu'un ordinateur), Jet-set (diaspora futile de gens aux goûts dispendieux et aux tendances exhibitionnistes), Cloud (ben, celui-là, je sais qu'il veut dire « nuage » mais je n'ai toujours pas compris à quoi il faisait référence sur internet...).

Mais peut-être deviens-je plus vieux et plus aigri (ou plus con), j'avoue avoir des difficultés avec l'utilisation à bâtons rompus de termes anglois qui bénéficient de traductions françaises parfaitement acceptées par le commun des mortels. L'autre jour par exemple, un des responsables (Manager) de ma banque me tint à peu près ce langage :

- Alors Édouard, le recrutement de mon nouvel intern? C'est dans le pipe?
- Ton stagiaire ? Oui, c'est en cours, lui répondis-je (surtout, face à de genre d'énergumène à l'anglicisme galopant, il ne faut jamais se démonter, tenir bon et lui montrer que tous les termes qu'il emploie existent aussi en langue française).
- Non parce que j'ai une To-do longue comme le bras à lui confier. (haha! Le piège est simple, tout le monde utilise ce terme parce que sa traduction française fait ringard, ne pas flancher surtout !). Parce que dans ma team, on a plein de projets pending...
- Heu... (Houston, we have a problem! – je pense avoir saisi le sens de sa phrase mais je n'ai pas compris tous les mots qu'il utilise, des gouttes de transpiration me coulent le long de l'échine, il ne faut surtout pas perdre pied).
- Tu me shooteras le draft de l'annonce, je te ferais un feed-back comme ça tu pourras l'up-dater asap sur les sites des écoles.
- Bien sûr, tu peux compter sur moi (mayday, mayday! J'y vais au bluff, avec un peu de chance, ça peut passer comme une lettre à la poste). L'important, c'est de trouver un candidat High Profil (Arrgh, ce blaireau m'a contaminé!).

A croire qu'habilement glissés dans une conversation, ces barbarismes linguistiques étrangement connotés donneront au pécore qui les utilise l'aura d'un jeune cadre dynamique et l'allant d'un High Potentiel fraîchement débauché d'un des Big Five (un bon anglicisateur utilise également moult majuscules et des termes que seuls les initiés peuvent comprendre, comme des simili-private joke si vous préférez...).

Et bien c'est malheureusement exact : une confcall fait irrémédiablement plus punchy et plus efficace qu'une bête « conférence téléphonique ». De même, le planning a remisé le bon vieux programme au placard et l'affable ASAP a pris le pas sur le trop autoritaire « au plus vite »... Utilisés avec parcimonie, les anglicismes donneront à vos interlocuteurs l'illusion que vous êtes le plus compétents des compétents, The challengeur de demain, que vous maîtrisez votre sujet et que vous pourrez en prendre le lead, fingers in the nose. Vous voulez que je vous dise ? c'est avec des conneries comme ça qu'on se retrouve avec des petits trou-du-culs (ou asshole pour les puristes) avec bien plus de responsabilités que leur petit cerveau étroit est capable d'assumer.

Personnellement, pour ne pas perdre de ma superbe face à mes candidats ou à mes collègues, j'essaye d'améliorer quotidiennement mon franglais et de me tenir au courant de toutes les nouveautés linguistiques qui nous entourent (je m'update quoi!). Quand je pense qu'avant, pour ne pas avoir l'air ringard, il suffisait de ne pas porter de cravate avec des chemisettes, de ne pas s'appeler Barnabé ou Jacqueline, d'éviter les costumes jaune moutarde et les blagues sexistes en réunion. Maintenant, il faut savoir :
  • ce que c'est qu'un run-off, un staffing plan ou un deal-breaker
  • utiliser à bon escient dans ses e-mails les acronymes FYI, LMK ou BTW
  • switcher les usuels termes chauvino-passéistes pour leurs équivalents trendy, une réunion devient un meeting, un délai une deadline et accord un Go.

Loin de tout réalisme économique, le mythe de la réussite à l'américaine a encore la peau dure dans les entreprises françaises. Mais si j'en crois le développement irrémédiable de l'hégémonie chinoise de par le monde, j'ai hâte de voir ce à quoi ressembleront nos conversations professionnelles dans vingt ans.