entrée en matière

"Bonjour, Edouard W. des Ressources Humaines"

Ce que j'aime avec cette entrée en matière, c'est qu'elle a le don de refroidir quelque peu l'atmosphère : le sourire de mon interlocuteur se fige, les discussions autour de moi se tassent et j'ai légère mais nette impression d'être perçu comme un membre de la Stasi en train de prendre des notes. Moi, la méfiance qu'inspire ma fonction ne me dérange pas (au contraire !). Et puis, vous savez, en tant que RH, on en voit de toutes les couleurs, il y a de quoi rigoler tous les jours (ou bien pleurer parfois). Ce blog est une manière pour moi de partager toutes ces anecdotes et mes réflexions sur l'une des fonctions les plus dénigrées du monde de l'entreprise.

mercredi 18 juillet 2012

Peut-on coucher avec un/une collègue de travail ?

Depuis plusieurs mois déjà, Grégoire me tannait sans relâche pour je l’invite à nos petites soirées impromptues et que je lui présente certains de mes amis. En tant que célibataire de type chasseur-cueilleur boulimique, il était fort intéressé par Béatrice dont il avait pu apercevoir la photo sur mon profil Facebook. En tant qu’amateur de matériel pornographique et admirateur du travail des acteurs de ce milieu, il souhaitait ardemment rencontrer Quentin, mon ami hardeur professionnel.

Sachant qu’à un moment ou à un autre, je serais dans l’obligation de lui présenter les cibles de toutes ses attentions, je me suis résigné à l’introduire à mon cercle restreint d’amis, espérant secrètement qu’il ne les offusque pas tous d’un coup.

Les premiers échanges furent un peu frais. Il faut dire que je n’avais pas prévenu Grégoire qu’il rencontrerait Béatrice et Quentin en même temps, l’obligeant par-là même à jongler entre ses deux objectifs : draguer Béatrice et récolter le maximum d’informations sur le secteur du porno. Malheureusement pour lui, ses questions insistantes et détaillées posées à Quentin l’ont définitivement grillé auprès de ladite Béatrice : l’étiquette « gros dégueulasse mateur de porno » était désormais et irrémédiablement collée sur son front.

« - En fin de compte, tu as couché avec combien de filles ? finit-il par lui demander, retenant à peine ses jambes de sautiller d’excitation.
- Je n’ai jamais compté, répondit Quentin, un sacré paquet on peut dire j’imagine. Mais tu sais, les actrices avec lesquelles j’ai pu tourner ne m’ont pas toutes laissé un souvenir impérissable.
- Mais je suis sûr qu’il y en a certaines dont tu te souviens bien, répliqua-t-il d’un ton concupiscent, grillant dès lors le peu de chance qu’il lui restait de conquérir Béatrice.
- Oublie ça, sur un tournage, nous ne sommes pas dans ce type de rapport, ces actrices sont comme des collègues de travail.
- Ben quoi ? Je couche aussi avec mes collègues de travail. »
Inconsciemment, je me mis à penser à la sexagénaire décrépite qui travaillait avec Grégoire et un violent frisson me parcourut l’échine.
C’est un fait, quand on parle de sexe, Grégoire n’a pas plus de morale que de beurre au cul - enfin, selon les rumeurs qui courent dans la banque, il en aurait eu lors de certaines soirées du personnel bien arrosées (du beurre au cul, j’entends, pas de morale). Il est difficile pour lui d’imaginer que Quentin, amené à avoir des relations sexuelles avec toutes ses collègues, n’en tire en fin de compte que peu de satisfaction personnelle. Mais toute cette incompréhension reporte en fin de compte à une question bien précise, une question à laquelle chacun y répond selon ses propres convictions : Peut-on coucher avec un/une collègue de travail ?

A cette question difficile, les réponses divergent :
- Non ! Voilà a priori ce que répondrait toute personne bien pensante. D’une relation entre collègue ne peut découler qu’une foule de problèmes et d’emmerdes compliqués, c’est évident.
Mais cela reviendrait à nier le fait que l’entreprise est avant tout un lieu social donc un lieu de rencontre et d’échange au sein duquel les relations humaines peuvent s’épanouir, qu’on le veuille ou non. Après tout, les tensions sexuelles sont un facteur dont il faut tenir compte dans la gestion d’une équipe, tout manager avisé vous le dira : recrutez une bimbo délurée dans une équipe masculine et vous risquez de voir tous vos collaborateurs jouer à qui pisse le plus loin (c’est le syndrome de « la guerre des coqs », nous y reviendrons peut-être un jour).

- On verra quand vous serez confronté(e) à la situation… On ne sait jamais quand l’amour frappera à notre porte et il faut savoir saisir l’occasion, vous aurez bien le temps de vous poser des questions le moment venu. Bref, en fait, vous êtes méga open.

- Oui mais sans amour. Le sexe entre collègues répond aux mêmes règles que le sexe entre amis : on se met d’accord sur les différentes modalités en amont, on ne dit rien à personne et on ne s’engage à rien. Soyons honnêtes, il n’y a bien souvent qu’un seul des deux qui respectent ces règles et la situation peut vite exploser à la gueule des participants.

- Oui mais avec engagement et ouvertement ! En gros, vous signez un CDI sexuel, tout le monde doit être au courant pour rapidement couper l’herbe sous le pied aux rumeurs et à la suspicion de favoritisme. Sur le papier, c’est bien joli mais dans le fond c’est une solution aussi bancale que le « Non » radical.

- Oui, c’est même recommandé !!!
Non mais dans quelle boite travaillez-vous ?

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