La question pseudo-mystique dont personne ne comprend le but...
A un moment ou à un autre, au cours de votre recherche d'emploi, il se peut que l'on vous pose une question dont vous ne comprendrez vraiment pas l'intérêt. Vaguement philosophique, vaguement abstraite, elle vous laissera pantois tant son rapport avec le poste ou même le monde l'entreprise en général vous semble impalpable.
Oyez oyez manant, prosternez-vous ! La légendaire question pseudo-mystique vient de vous être posée. Tel Œdipe face au Sphinx, il vous faudra faire preuve de sagesse et de ruse pour ne pas vous faire piéger (ou pour la comprendre tout simplement).
Peu importe qui vous la pose, peu importe la forme qu'elle prendra, vous pouvez être sûr qu'elle fera appel de la part de votre interlocuteur à des trésors de psychologie de comptoir et d'interprétations pignoufs diverses et variées.
Une petite recherche sur internet vous permettra de trouver tout un tas de ces questions pseudo-mystiques, toutes plus débiles les unes que les autres. J'aurais pu essayer de détailler chacune d'entre elle sur ce blog mais la tâche me semble si démesurée que j'en ai été découragé. En voici deux exemples que j'ai personnellement eu lors d'entretiens d'embauche (les rares fois où j'ai endossé le rôle de candidat) :
- Vous partez sur une île déserte et vous ne pouvez emporter qu'une seule chose avec vous, qu'est-ce que ce serait ?
Cette question est tellement éculée qu'une très grande majorité d'entre vous a déjà dû y répondre. C'est con comme question, très con à mon avis mais bon, puisqu'elle risque de vous être posée, tentons l'expérience...
Démontrez votre raffinement cultivé, répondez donc : « Pour pallier à l'ennui, j'emporterai avec moi l'intégral du théâtre de Racine. » (on y croit tous ! Seulement, ça fait moins tarte à dire que l'intégral de Marc Levy, non ?). En toute franchise, si je me retrouve tout seul sur une île déserte, je pense que je préférerais avoir sous la main l'intégral de Playboy ou de Penthouse, parce que soyons honnête, la solitude, ça pèse...
Vous pouvez également faire preuve de pragmatisme, on ne se nourrit pas que de littérature et d'eau fraîche. Répondez : « Je prendrais avec moi une réserve phénoménale de boites de conserve » (n'oubliez pas l'ouvre-boite !). Bon, moi je prendrais aussi une bonne réserve d'alcool pour tuer le temps...
Une petite touche d'humour ne peut pas faire de mal non plus ! Répondez : « J'emporterais un téléphone portable pour appeler à l'aide... ». C'est quitte ou double : si vous obtenez un sourire de votre interlocuteur, estimez l'épreuve de la question pseudo-mystique réussie (à moins qu'il ne se fiche de vous derrière son sourire narquois), s'il vous regarde d'un air blasé, c'est que vous n'avez pas fait mouche.
- Vous organisez un diner auquel vous ne pouvez inviter que trois personnes. Qui invitez-vous et pourquoi ? (personnes réelles, imaginaires, vivantes ou mortes)
Dieu que c'est intéressant comme question ! Et puis votre réponse pèsera vraiment de tout son poids dans la décision du recruteur, soyez-en sûr... Évidemment, le but est de vous faire parler, de voir vos capacités d'improvisation et d'argumentation sur des sujets aussi débiles soient-ils (moi, je trouve qu'il y a quand même des limites).
Si vous répondez « Maman, ma cousine Viviane et Louis de Funès », il va falloir défendre ardemment votre point de vue. Votre interlocuteur risque de rester circonspect à moins de lui expliquer que votre mère a grimpé l'Everest avec des béquilles, que votre cousine Viviane est sûr le point de trouver un remède contre le cancer et que certains essais de Louis de Funès sont de toute première qualité littéraire.
Vous pouvez aussi utiliser une réponse passe-partout de type : « Jésus, Don Quichotte et Gandhi ». C'est une réponse classique qui peut se défendre sans trop de difficulté (bien qu'il faille tout de même savoir qui est Don Quichotte et ce qu'a fait Gandhi). Mais honnêtement, à moins que Jésus ne transforme la Badoit en Château Petrus, le diner risque d'être un petit peu chiant, non ? (même si Don Quichotte souffre déjà de delirium tremens et que Gandhi ne doit pas picoler des masses).
Vous souhaitez en mettre plein la vue à votre recruteur ? Allez-y au culot et inventez : « Pâli Malî Maaguya, poète birman du 17ème siècle, Nick Lafugueur, héros facétieux de l'auteur Québécois Louis Desjardin et Jeanne De Labrière, comtesse suisse rendue célèbre pour son action auprès des suffragettes ». Là, ça en jette un max ! Il y a un risque cependant, votre interlocuteur peut être un passionné de la littérature birmane ou bien s'empresser de vérifier vos dires sur internet une fois l'entretien terminé.
Évitez également de nommer des héros de dessins-animés ou des personnages trop tendancieux dont l'évocation pourrait inciter votre interlocuteur à certains raccourcis de pensée désobligeants. Un diner entre « Hitler, Oui-Oui et Lady Gaga » peut à la rigueur être divertissant mais question crédibilité aux yeux du recruteur, ce n'est peut-être pas la meilleure des réponses (quoiqu'encore une fois, si vous arrivez à le défendre, pourquoi pas...).
Alors, à votre avis, qu'est-ce qu'en déduira votre interlocuteur ? Pas grand chose, hein ? Parce que soyons honnêtes, les réponses que vous pourrez lui faire seront tellement banales que la plupart du temps, il ne prendra même pas la peine de les noter.
Pour info, à ces question j'ai répondu :
- Sur une île déserte, j'emporterais un manuel de survie. J'ai opté pour le pragmatisme.
- Au diner, j'inviterais ma cousine Viviane, Sherlock Holmes et François Mitterand. J'imagine que le recruteur a dû me prendre pour un gauchiste pas très futé mais j'ai quand même eu le poste ! (soit j'étais le seul candidat, soit ma réponse n'a pas été prise en compte)