Karim a la chance de travailler dans une entreprise en plein essor, jeune et dynamique : une entreprise de télé-marketing. L'un des principaux avantages à travailler dans une structure en plein développement, c'est que tout est à construire, l'un des principaux inconvénients, c'est que les ¾ de ce qui est construit est bancal comme pas permis.
Dans l'entreprise de Karim, si l'ensemble peut paraître cohérent et réfléchi au premier abord, on se rend vite compte que toute l'organisation est gangrénée par une multitude d'exceptions et niches, de petits espaces de liberté totale, véritables no-man's land créés à un moment donné afin de répondre à un besoin précis ou résoudre un problème à très court terme. Le hic, c'est qu'une fois la situation résolue, la niche est restée et est devenue pérenne, mettant à l'abri ceux qui ont réussi à s'y engouffrer.
Parmi ses niches en existe une que Karim à appelée le syndrôme du "service chameau", le "service chameau" étant un service à deux boss (à l'inverse du "service dromadaire" qui, on le suppose, n'aurait qu'un seul boss).
Pour en comprendre les origines, il faut rappeler que l'entreprise de Karim, comme beaucoup de structure, vit au fil de rachats, de fusions et de réorganisations internes mensuelles. Dans un tel chaos permanent, il devient donc très difficile pour les têtes pensantes de ne pas considérer les collaborateurs comme des pions que l'on déplace à sa guise, au fil des problématiques courantes. Ce fut le cas pour M. Martin : Ne sachant pas quoi faire de M. Martin lors de la précédente réorganisation, les directeurs n'ont rien trouvé de mieux que de le positionner en tant qu'adjoint auprès d'un Responsable qui n'en avait pas vraiment besoin. Karim s'est donc retrouvé avec un adjoint à ses côtés, sympathique au demeurant, mais qui ne devait son poste et son salaire qu'au manque de place dans d'autre secteur de l'entreprise. Tout le service a dû se réorganiser pour intégrer cet échelon supplémentaire, l'organisation créant ainsi du travail là il n'était pas forcément nécessaire. Qu'à cela ne tienne, il y a des situations auxquelles on ne peut rien faire que subir.
Mais le système a pu montrer par la suite son visage foncièrement perverti : quand l'Adjoint a donné sa démission, les têtes pensantes n'ont rien trouvé de mieux que d'imaginer que son poste était absolument nécessaire et qu'il fallait donc le remplacer. Karim a beau leur avoir expliquer par A+B que le remplacement de M. Martin était complètement inutile, le mal était fait ; le poste et la niche qu'il représente sont donc devenus pérennes par la force des choses, cqfd.