Le début d’année est un moment propice pour les promotions et autres signes extérieures de reconnaissance : augmentation (du flouze !), changement de statut (je deviens cadre ! Chouette mes cotisations augmentent !), formation ou séminaire (de la glandouille avec du pinard à volonté pendant deux jours !), changement d’intitulé de poste (je me distingue de la masse), nouvelles responsabilités (beuh L, du boulot en plus)…
Les moyens dont dispose une entreprise pour reconnaître les mérites d’un employé modèle sont nombreux et variés mais ils ne sont efficaces qu’à une seule et unique condition : que le principal intéressé aie bien compris le message sous-jacent et l’immense honneur qui lui a été fait. Le message passe donc mieux avec les répliques suivantes :
- « Je me suis battu pour que tu obtiennes ceci »
- « Toute la direction a estimé juste que cela te soit accordé »
- « C’est passé de justesse mais je suis heureux de pouvoir t’annoncer que… »
- « C’est un moyen pour nous de reconnaître ton potentiel au sein de l’équipe »
Et du coup, les principaux intéressés qui ont bien intégré le message (il y en a qui sont toujours un peu plus longs que les autres à la comprenette) se sentent pousser des ailes puisque, ne l’oublions pas, on vient de leur faire comprendre qu’il font désormais partie de la crème de la crème, le top du top, le gotha de l’entreprise.
Et quoi de plus agréable que d’avoir à supporter la morgue méprisante et le sourire en coin de ceux dont on a reconnu le talent au plus haut niveau, de ceux qui, portés par la gloire, ne peuvent que se sentir supérieurs aux péons vulgaires, à la masse grouillante et puante, aux autres mecs du bureau quoi !
C’est un bonheur sans nom, un bonheur encore plus appréciable quand on sait que cette promotion est probablement due à l’ancienneté, au hasard, à des négociations syndicales acharnées ou encore à une exécution pleutre de versets absconses et bureaucratiques d’une convention collective. Je sais de quoi je parle, dans mon long parcours de RH, j’ai vu plus d’une fois un mec gagner du galon, de l’argent ou un statut qu’il ne méritait pas vraiment, il avait juste eu la chance d’être là, au bon moment.
Dernier exemple en date : les accords d’égalité Hommes / Femmes. Ils sont tout à fait honorables sur le papier, mais quand on sait qu’une collaboratrice aux compétences moyennes par rapport aux autres a obtenu le statut de Cadre uniquement dans le but de rééquilibrer le ratio de représentants des deux sexes aux postes de cadre, il y a de quoi se poser des questions sur les fondements de cette manœuvre.
Bon, n’allez pas imaginer que ces quelques lignes soit l’expression d’une quelconque aigreur ou jalousie de ma part, bien au contraire ! Je serais le premier ravi de voir mes collègues feignants et incapables gagner en salaire ou en responsabilité (bon, j’avoue, je maîtrise moins bien l’ironie que le sarcasme). C’est juste qu’en tant qu’observateur externe à un service, j’ai pu observer cette autosuffisance insupportable et injustifiée à de trop nombreuses reprises. La collaboratrice en question, enorgueillie de son tout nouveau statut, s’est mise à considérer certaines taches trop peu valorisantes pour un Cadre et s’est donc permise de les déléguer à ses pairs non cadres. Elle a carrément imposé une frontière virtuelle à ses collègues, quitte à attiser cette colère aux yeux verts qu’est la jalousie. Bref, elle a foutu le feu au service et s’est fâchée avec tout le monde.
Et que peuvent faire ses collègues pour lui rabattre son caquet ? Ben, pas grand chose…
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