Sa majestée Parloude IV |
Il y a plusieurs façons d’imposer son autorité sur une équipe, le leadership naturel étant probablement la meilleure. Mais le leadership naturel est tout compte fait une denrée assez rare dans nos entreprises, nous ne sommes pas tous nés avec l’âme d’un chef en puissance, imposant le respect d’un œil sec, suscitant l’adoration d’une seule flatterie ou d’une caresse bien placée (entendez « caresse » dans le sens générique du terme !).
Il existe donc d’autres leviers pour permettre à une palourde anémique d’incarner le mâle Alpha malgré un niveau de charisme proche de celui du vers solitaire. L’un des plus usités d’entre eux est aussi le plus dangereux : le secret.
Nous connaissons tous le lieu commun : « Savoir c’est pouvoir », dixit le philosophe anglais Francis Bacon ou le poète perse Ferdowsî … bon, je ne fais pas mon fier, avant une rapide recherche sur Google, je n’avais qu’une vague idée de qui pouvait être Bacon (du jambon à l’américaine ?) et même jamais entendu parlé de Ferdowsî (une marque de fromage allégé ???). C’est vrai, savoir, être au courant de tout et tout connaître c’est pratique pour gouverner.
Mais être le maître du secret, c’est encore mieux :
- Ca vous donne un sacré avantage par rapport aux autres. Et le but final pour le Chef en mal de reconnaissance managériale, c’est bien de se démarquer de ses collaborateurs et d’appuyer une différence parfois peu tangible voir inexistante. Une fois cette différence bien établie dans l’esprit de chacun, la position du chef n’est plus remise en question.
Dans cette tactique du secret, la différence réside dans le fait que le chef et lui seul est dans le secret des Dieux (sous-entendu que par rapport aux autres, lui seul le mérite réellement).
« Quoi, tu n’es pas au courant de cette dernière réorganisation, misérable plancton que tu es ? Moi, le chef incontestable, je sais ».
- Ca vous permet également de vous rendre indispensable aux yeux de vos collaborateurs. La palourde anémique qui a du mal à se faire reconnaître par ses équipes aura tendance à tout faire pour créer l’illusion que sans lui, le service ne peut pas tourner. Concrètement, elle aura tendance à ne pas mettre à disposition de ses collaborateurs toutes les informations nécessaires au bon fonctionnement de l’équipe. Notez, plus ses collaborateurs sont intelligents ou autonomes, plus le tenant du secret sera prudent et économe.
Certes, c’est contre-productif, mais sa position dans l’organigramme ne sera pas remise en cause, et dans le fond, c’est ça qui compte, non ?
« Comment ? Tu ne peux pas avancer sur ce dossier sans cette information primordiale ? Mais on dirait que tu as besoin de l’aide de ton chef mon ami… »
- Ca vous permet de créer des distinctions bien appréciables entre vos collaborateurs : « diviser pour mieux régner ». La palourde anémique distribue l’information au compte goutte et de manière inégale, le secret étant source de pouvoir, elle l’utilisera aussi comme récompense, distillant insidieusement son modèle hiérarchique au sein de ses équipes, créant de la jalousie et des divergences internes lui permettant d’assoire plus facilement son pouvoir.
« Bon, ça reste strictement confidentiel, d’accord ? Je ne veux pas que ça s’ébruite pour le moment, ce serait trop tôt. Mais sache que… »
En gros, le secret, c’est un moyen comme un autre de tenir la sucette par le bâton.